Cette ville
Nous glissions sur le flanc de la mer et des digues,
Sur ce ruban de terre où les wagons naviguent
Où serré par les eaux d’un sel étincelant
Le train se plaisait à jouer les goélands ;
Et puis elle a bondit la bulle de colline,
Elle a gonflé son dos de blanche citadine
Sur un drapé d’azur. Nous fûmes absorbés.
Juillet dans son brasier de sueurs imbibé
Laissait parfois filer un brin de tramontane.
Havres de paix, d’anis à l’ombre des platanes,
Tortueux les accents comme des hameçons
Sifflés à tous les vents. Tumulte des klaxons
Qui fusaient des deux roues dans le goulet des rues.
L’ombre face au grand feu : toitures sous la crue
D’un été craquelant le muscle des balcons.
Autochtones brûlés, touristes rubiconds
Dont les tissus fanaient au gré des éléments.
La ville se terrait entre le firmament
Et la plaine marine, extrémité du monde,
La vasque des loisirs, dangereuse et féconde.
Tous les bras de la bulle embrassaient son visage,
Des halles aux cafés, des chaluts aux rivages
Un dôme amoncelé de paupières blanchies
Respirait l’astre bleu par toutes ses branchies.
Une peau sécheresse aux gouttières rouillées,
Délavage pierreux, peintures écaillées
Par la morsure du sel -colline d’usure
Offerte à tous les sorts, toutes les écorchures-
Des linges de couleurs pavoisaient les fenêtres,
Quotidiens émergés libres de se soumettre
A l’essorage vif des ailes du Lion.
Il faut vivre en symbiose avec les trublions,
Savoir brandir sur l’eau sa lance et son pavois,
Rugir sur les canaux son envie et sa voix
Jusqu’à l'obscure mer qui anime les phares.
Cette ville est baleine, un dôme, une fanfare,
Un Saint Pierre éclatant d’histoire torrentielle,
Un joyau palpitant entre l’eau et le ciel.
Sète, 10.7.19