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Lettre à monsieur R

Publié le par Grégory Parreira

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Bonjour à tous ! 


Voici une lettre écrite en 2015 et à destination de Monsieur R -comédien-. Remise en main propre l'année suivante à Brangues, dans la maison de P.Claudel elle n'a pas eu l'honneur d'une réponse. Il y a prescription, je la partage donc.  

 

Ruy Blas 2011

 

 Cher monsieur R,

 

Coulant ma vie dans les ruelles de Lyon

Et d’Isère du nord j’ai eu l’occasion

De venir plusieurs fois dans l’enceinte de Brangues

Goûter quelques festins ciselés de la langue.

Votre Arnolphe d’abord, ce cocu magnifique

Tirant du grand niais sa sublime musique

Et Horace, et Agnès puissants de drôlerie

Nous livrant leur amour dans une jonglerie

Sublime ; transpirant les rimes, les couleurs

Sous le grand chapiteau accablé de chaleur.

La leçon -l’an dernier- efficace, grinçant ;

Torsions du réel par l’absurde et le sang,

Funeste crescendo du tueur-pédagogue

Glissant sous nos palais les fleurs d’un dialogue

Assassin. Merci donc pour cela, pour la trace

Indélébile que m’a laissé ce Ruy Blas

Qui fit crépiter le théâtre populaire :

Votre Salluste noir, l’impression solaire

Que m’a fait Don César sous les traits de monsieur

Kircher. Ah diable quel Ruy Blas prodigieux !

Mais si aujourd’hui je prends la permission

De transmettre ces mots c’est par déception.

Les tréteaux passeront sous les murs de Claudel

Vendredi, samedi. Sachez que c’est cruel.

Car sous ces vers enflés par la rigueur classique

Se cache un employé vissé à sa boutique,

Un vendeur d’escarpins souffrant la tragédie

De ne pouvoir fuguer que dimanche et lundi.

Certes je le sais bien, le programme est figé,

Les dates sont ainsi je n’y puis rien changer.

Mais je tenais à vous lancer sur le tapis

L’expression puisée à mon humble dépit.

Brangues, dans mon esprit, doucement s’est muée

En balise annuelle où les mots en nuées

Viennent titiller mes pavillons jouisseurs

Cet été n’aura pas son flambeau de douceur

Je dois bien m’y résoudre espérant –en revanche-

Vous y voir l’an prochain sous l’astre d’un dimanche.

Je souhaite également –dans l’émulation

Des vers- vous signifier mon admiration

Pour votre façon de bercer l’alexandrin ;

Cet insecte inouï qui m’anime et m’étreint,

Ce bambin ne prenant son ampleur ciselé

Que par la voix habile à bien le distiller

Ravi de constater que subsiste des bouches

Pour servir les chants de l’oiseau-lyre farouche.

Merci donc pour tout ça, à bientôt je l’espère

Au gré d’une nouvelle envolée littéraire

Et ainsi qu’on le dit galamment au palais,

Sur les planches : Monsieur, je suis votre valet !

 

Les Avenières, Mai 2015

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